L’hôtel Dieu de Beaune :une belle histoire d’amour
L’hôtel Dieu de Beaune :une belle histoire d’amour
L’hôtel Dieu de Beaune est bien connu pour ses magnifiques toits vernissés ,mais on ne sait pas toujours que dame Guigonne ,l’épouse de Nicolas Rolin a été une précieuse collaboratrice du chancelier dans ce projet .L’Hôtel Dieu :relève autant de la volonté de soulager les malheurs du temps que de rendre hommage à sa dame dans un contexte d’amour courtoisEn juin 1423, la bonne ville de Salins se prépare à recevoir un personnage important : le chancelier de Bourgogne : Nicolas Rolin, diplomate de talent et homme de confiance du Duc, il vient présider les états de la comté .Il lui est présenté une jeune fille destinée à devenir son épouse, d’emblée il la trouve exquise. De très bonne naissance, Guigonne De Salin avait été élevée dans la haute société salinoise .Elle est la troisième fille du chevalier Etienne de Salins et de dame Louise de rye .La ville de Salins, cité prospère, avait des coteaux sur lesquels se déployaient de belles vignes, le sel lui assurait sa prospérité .Piliers de l’économie régionale, les salines avaient quasiment le monopole de la production pour les deux Bourgognes (le duché et la comte).
Guigonne est décrite comme étant d’une grande douceur et d’une bonté inépuisable,elle avait cette attitude intemporelle qui imposait le respect à son entourage .
Le siècle de Guigonne est l’époque ou Paris débat sur la question des femmes .Dans les hôtels princiers, leurs droits sont plaidés en rimes courtoises .C’est l’époque ou l’épistolière « Christine de Pisan » (une des premières femmes à vivre de sa plume) publie : »le roman de la rose ».S’en suit la fondation de l’ordre de la Rose, le jour de la saint Valentin pour défendre l’honneur des dames.
Cette culture que l‘on nomme courtoise se développe au sein de la seigneurie aisée, la largesse est la vertu majeure du système de valeurs aristocratiques et assoit l’autorité et le prestige du seigneur. Il faut cependant préciser qu’amour courtois ne rime pas forcément avec fidélité conjugale.
Amour courtois mais époque cruelle pour les plus humbles: misère, famine épidémies de peste récurrentes. Les écorcheurs de sinistre mémoire sèment effroi et désolation. En cette fin de guerre de cent ans, Beaune cité fortifiée apparaît comme une terre de refuge pour tous les miséreux.
Le spectacle de ces calamités décide Nicolas Rolin, homme d’état inébranlable mais profondément chrétien, à fonder une institution charitable .Autun et Beaune pouvaient prétendre bénéficier des largesses du chancelier et son épouse .Son choix s’arrête sur Beaune. Par une chaude journée d’aout 1443, sous le porche de la collégiale de Beaune, le chancelier lit devant le peuple venu en nombre, les articles de sa charte de fondation.
Il parle en homme épris de bien public et voulant pratiquer les œuvres de miséricorde. On peut aussi voir dans cette fondation l’hommage d’un chevalier à son épouse .Le vocable de Saint Antoine, également saint Patron de Guigonne serait un indice de cette démarche.
Parée de sa modestie, elle laisse à Nicolas les honneurs publics ,préférant se consacrer aux aménagements intérieurs .La grande salle est le centre de toutes ses attentions .Recherchant le confort des malades , elle a voulu de petites alcôves isolant plus aisément du froid pendant les rudes hivers et permettant un peu d’intimité .Deux ou trois malades peuvent prendre place dans ces lits ,équipés de draps et de couvertures .Les niches creusées dans les murs permettent aux malades d’y déposer le peu d’affaire personnelles qu’ils possèdent .C’est peu de nos jours mais d’une très grande délicatesse pour l’époque .
De concert avec Nicolas, elle fait poser des pavements émaillés : assemblés par groupe de quatre, les carreaux ont pour motif les initiales des deux époux N et G entrelacées par un rameau de chêne et entouré de la devise « seule étoile », la devise du chancelier qui exprimait ainsi son attachement pour Guigonne seule dame de ses pensées et inspiratrice de son œuvre. Sans doute s’inspire-t-il de la devise adoptée par le duc Philippe le bon lors de son mariage avec Isabelle de Portugal « Aultre n’aurait toute ma vie dame Isabelle ».L’hommage courtois est un thème décoratif très en vogue à l’époque.
Dans la chapelle, Guigonne s’est arrêtée au motif de la tourterelle qui dans l’écriture est comparée aux âmes chates et fidèles.
Pour faire vivre cet hôpital, il faut faire appel à des dames dévotes et charitables .Là encore Guigonne va mettre sa touche personnelle .Elle s’attache à recueillir des règles appliquées dans d’autres communautés religieuses, elle demande à Rome l’autorisation d’aller visiter des communautés religieuses afin d’observer de près leur règlement. Le pape lui répond : »la sincérité de ta dévotion mérite que nous t’accordions avec bienveillance ce que tu requiers humblement « .Malgré la sévérité des canons, le pape lui donne carte blanche pour s’entretenir avec les religieuses les dispensant du silence en sa compagnie.
Les époux Rolin vont proposer une règle de vie( assez inédite pour l’époque )à des jeunes filles voulant se dévouer pour leur prochain .Pas de vœux perpétuels, le libre choix des postulantes de vivre de cet esprit suffit pour partager la vie de cette communauté .Des temps de prière sont prévus mais le service aux plus pauvres est premier .Cette règle sera à peine retouchée jusqu’en …1939 .
Guigonne avait été associée à cette entreprise dès le début, très probablement son installation au sein de l’hôpital est déjà envisagée.
Devenue veuve en 1462, elle se voit contester son patronage par l’administration de l’hôpital par l’administration de l’hôpital très influencée par son fils le cardinal Rolin .C ‘était sans compter sans sa ferme détermination, à poursuivre l’œuvre qu’elle avait commencé avec son époux .Elle souhaite se retirer dans sa fondation et s’investir complétement au service du plus pauvres tant pour remplir ses engagements que pour donner du sens à son veuvage.
Tant que durent ses démêlés avec son beau-fils, elle s’installe dans la solitude dans une maison canoniale surplombant la collégiale notre dame.
Elle finit par obtenir gain de cause contre le cardinal Rolin, et reprend ses prérogatives sur l’administration de l’hôpital .L’ordre étant enfin revenu dans la maison, elle peut revêtir la robe grise des hospitalières et finir ses jours comme elle l’avait toujours souhaité au milieu des pauvres et malades au sein de la communauté hospitalière (elle décède en 1470). Enterrée dans l’enceinte de l’hôpital, elle subit encore les derniers outrages de révolutionnaires zélés qui profanent sa sépulture au nom …du peuple qu’elle a toujours servi ! Les adeptes de l’être suprême ne comprenaient guère l’esprit de Nicolas et de dame Guigonne.
Le XIX siècle lui rendra justice en permettant, le retour de ce qui reste de sa dépouille dans la chapelle de l’hôtel Dieu, une plaque de cuivre au de la chapelle, rappelle aux visiteurs cette présence.
L’hôtel Dieu a pu voir le jour grâce à l’heureuse complémentarité de la charité chrétienne et l’amour conjugal .Cette fondation vieille de plus de 450 ans n’a rien perdu de son actualité, et qu’une femme en soit l’inspiratrice est un honneur pour toute la gente féminine.